Le travail des scientifiques est d'étudier l'objet de leur recherche. Ce qui justifie leur salaire, si ce n'est leur popularité, ce sont les articles scientifiques. Ceux-ci ne doivent pas être confondus avec des articles de presse. Déontologiquement, on ne peut pas publier un même article une seconde fois. Comme cette pratique est vraiment universelle, il se peut que plusieurs groupes de recherche travaillent sur le même sujet. Ils sont donc en concurrence et doivent travailler d'arrache-pied pour pouvoir publier en premier. Si c'était la seule règle, on publierait à tout va, même des faits qu'à moitié prouvés.
Une seconde règle a donc été ajoutée : la relecture par les paires. Pour qu'un article scientifique soit publié, il doit être accepté, en général par deux relecteurs et l'éditeur du journal considéré. Trois personnes (au moins), généralement des scientifiques travaillant dans le même domaine, donc ayant le même niveau de connaissances, vont relire le manuscrit et exiger les réponses à des questions assurant la justesse, l'unicité et la reproductibilité des travaux.
Ce fonctionnement est tourné vers l'accroissement des connaissances. La nouveauté d'une affirmation n'a pas besoin d'être une révolution surtout que la publication une fois acceptée est jugée digne de foi. Ainsi, chaque résultat publié est tenu à disposition de tout un chacun[1] et peut être tenu pour acquis. Un résultat publié, pourra alors être cité pour servir de base à une nouvelle argumentation développée à partir de ce point. La négative est aussi vraie, il est possible de critiquer un résultat, pour autant que l'argumentaire tienne la route. La science est incrémentielle !
Notez que dans la suite de ce texte, les affirmations sont suivies d'un nom de personne et d'une date entre parenthèses. Ces noms sont ensuite répétés, avec la référence complète permettant de vérifier sur le web la véracité et le niveau technique de l'affirmation[2]. C'est une des différences entre un article scientifique et un article médiatique.
En pratique on ne peut pas éviter certains biais inhérents à la nature humaine, quelques coups de pouces de groupes de recherche amis acceptant une rigueur un peu moins stricte ou alors des groupes concurrents qui voient là une bonne manière de retarder leurs challengers. Mais globalement ce système fonctionne relativement bien. A ce jour, on n'en a pas trouvé d'autres qui fonctionne mieux (Lane, 2017; Spier, 2002).
Malgré quelques tricheries et tricheurs, il n'en reste pas moins que, pour un article de dix pages (incluant des illustrations), il n'est pas rare d'avoir plus d'une cinquantaine de questions auxquelles une réponse doit être apportée. Sans réponse argumentée, les relecteurs recommanderont à l'éditeur un rejet de l'article. Une partie des questions est souvent liée à la langue, pas suffisamment claire dans le premier jet. Une autre concerne des points scientifiques. Il faut alors remettre l'ouvrage sur le métier. Apporter les éclaircissements permettant l'acceptation de l'article peut demander plusieurs semaines de travail supplémentaire. La publication d'une idée révolutionnaire peut être assez difficile car les relecteurs n'ont pas fait votre travail et seront d'abord réticents. Ils trouveront beaucoup d'arguments contre et le travail de persuasion scientifique sera ardu et fastidieux. Toutefois, et ce n'est pas qu'une tournure de phrase standard, les relecteurs sont généralement remerciés en fin d'article car, grâce à leurs remarques la qualité de l'article s'en trouve améliorée.
Le message à retenir de ce paragraphe, c'est que pour publier un article scientifique un grand travail méticuleux est nécessaire et qu'au minimum l'auteur (la plupart du temps il y en a plusieurs), deux relecteurs et un éditeur, soit 4 personnes doivent être d'accord avec les résultats. En faisant une recherche en 2019 sur les articles scientifiques parlant de l'existence du réchauffement climatique, 488'000 articles sont trouvés, donc au minimum 1'952'000 personnes qui se sont mises d'accord entre elles. Ce n'est pas exactement les mêmes proportions que de donner la parole à 2 personnes qui ont une opinion différente !
[1] Aujourd'hui il est possible de faire une recherche sur le web (en utilisant par exemple https://scholar.google.ch/ ou en collant dans un browser doi: + le numéro indiqué en référence). On peut aussi trouver les articles scientifiques en relation avec les mots-clés entrés. Une fois trouvés, les journaux qui ne sont pas en open-access nécessitent l'achat de l'article. Dans ce cas un petit mail directement à l'auteur permet, moyennant en petit délai, d'obtenir l'article gratuitement. Ces journaux sont aussi accessibles gratuitement en format imprimé dans les bibliothèques des universités (ce qui garantit le sérieux du journal).
[2] Ce système peut aussi être utilisé pour vérifier les assertions de personnes digne de confiance donnant leur avis dans les médias. S'ils maîtrisent un sujet, ils auront publié des articles scientifiques à ce propos. Sans mention de publications scientifiques sur le sujet, leur avis peut être motivé par d'autres motifs que la recherche de la vérité !